Comment un tissu sèche-t-il ?
Des mesures précises par résonance magnétique (RMN) ont permis à une équipe du laboratoire Navier (CNRS/Ecole des Ponts ParisTech/Université Gustave Eiffel) de mieux comprendre les phénomènes physiques à l'œuvre lors du séchage de fibres textiles. Leur étude ouvre une voie vers la mise au point d'un modèle prédictif pour la conception de vêtements, de masques faciaux, et de matériaux d'isolation.
Comment l'humidité de l'haleine modifie-t-elle l'efficacité d'un masque facial? Quelle est la meilleure manière de sécher un vêtement ? A quel point un textile peut-il absorber l'humidité émise par le corps, ou protéger celui-ci contre l'humidité ambiante? Pour répondre à ces questions, faute de comprendre précisément comment se comporte l'eau au niveau des fibres, il n'existe pas aujourd'hui de modèle satisfaisant, validé par des mesures expérimentales.
Les mesures effectuées au laboratoire Navier (CNRS/Ecole des Ponts ParisTech/Université Gustave Eiffel), en utilisant la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire, permettent de mieux comprendre les phénomènes physiques locaux pendant le séchage d'un textile. Les résultats de l'étude ont été publiés dans la revue Physical Review Applied.
L'eau contenue dans un tissu humide est soit liée à la structure du tissu par des liaisons hydrogène, soit circule sous forme de vapeur dans les vides du tissu. Jusqu'ici, les modèles du séchage supposaient que la plus grande partie de l'eau quittait le matériau par diffusion de vapeur. Les modèles supposaient également une certaine dynamique de transfert entre les états correspondant à l'eau liée et à la vapeur d'eau. Cependant, sans mesures précises, les chercheurs ne pouvaient pas valider les paramètres qu'ils utilisaient pour adapter les modèles à leurs observations souvent macroscopiques.
C'est pourquoi l'équipe du laboratoire Navier a voulu réaliser des mesures fiables dans un contexte contrôlé. Un empilement de fibres de cellulose a été utilisé comme modèle de matériau textile. Ces fibres ont été placées dans des conditions d'humidification précises, jusqu'à obtention de l'équilibre, puis soumises à un flux constant d'air sec. Le suivi des quantités d'eau dans les fibres a alors été réalisé par RMN sur des échantillons d'un centimètre.
L'originalité de l'expérimentation réalisée au laboratoire Navier est d'avoir permis la mesure de la quantité d'eau liée en dépit de son temps de relaxation1 RMN très faible, et de doser ainsi la quantité d'eau liée dans la cellulose pendant la durée du séchage. Les résultats ont montré qu’avec des fibres de petites dimensions (20 microns d'épaisseur), contrairement aux hypothèses généralement faites jusqu'ici, les phases d'eau liée et vapeur sont constamment à l’équilibre, si bien que l’eau liée est extraite continuellement au cours du transport de vapeur. Un modèle simple permet alors de rendre compte de ces résultats, et de prédire le taux de séchage de l'échantillon en fonction de sa taille, de sa porosité et des propriétés du flux d'air.
Ces premiers résultats ouvrent une voie à la réalisation d'outils de conception de textiles optimisés pour leurs conditions d'utilisation. Mais de nouvelles recherches sont nécessaires, en particulier pour être capable de prendre en compte des conditions extérieures qui ne seront pas celles d'un laboratoire.
Références :
Vapor-sorption coupled diffusion in cellulose fiber pile revealed by magnetic resonance imaging
Xiaoyan Ma, Benjamin Maillet, Laurent Brochard, Olivier Pitois, Rahima Sidi-Boulenouar, and Philippe Coussot
Physical Review Appied 17, 024048 (2022)
DOI: 10.1103/PhysRevApplied.17.024048
- 1Le temps de relaxation est le temps de retour à l'équilibre des spins des protons des atomes d'hydrogène de l'eau. Tout se passe comme si ces spins avaient été déséquilibrés par l'excitation magnétique : ils sont entrés en résonance et ont basculé par rapport à leur axe de rotation. Ensuite, lorsque l'on supprime l'excitation, ils retournent progressivement vers leur axe : c'est la relaxation.