Portrait d’Annabelle Moatty, géographe spécialiste des risques naturels
Annabelle Moatty est chargée de recherche au Laboratoire de géographie physique (CNRS/Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/UPEC).
Géographe de formation, orientée sciences humaines et sociales, Annabelle est chargée de recherche au CNRS depuis cette année, et spécialiste de la gestion des risques dits « naturels » et de la période de reconstruction et relèvement post-catastrophe. Son lien avec les sciences a commencé petite, alors qu’elle voulait être paléontologue. Plus tard, « fâchée avec les maths », elle se dirige vers une prépa littéraire hypokhâgne-khâgne puis elle entre en fac de géographie, avec l’intention première d’être journaliste scientifique. La géographie lui offre alors la possibilité de mieux décrypter et comprendre le monde, notamment grâce à ses aspects interdisciplinaires mêlant les approches sociales, à travers l’étude de la population et la lecture du territoire et du paysage. Elle découvre et se passionne pour les disaster studies, l’étude des catastrophes.
En 2011, elle entame une thèse sur la reconstruction post-catastrophe, un sujet qui était alors peu traité et théorisé dans la littérature scientifique française, qui contenait plutôt des retours d’expérience de gestion de crise. Elle a ainsi étudié le cas de communes rurales soumises aux inondations (Aude, Var), mais aussi à l’international, avec le volcan Merapi en Indonésie, ou encore après le tsunami au Japon en 2011.
Comprendre la vulnérabilité des territoires pour mieux les accompagner
Une fois sa thèse soutenue, fin 2015, elle va ensuite enchainer les post-doc dans plusieurs villes de France, sur le même sujet de la reconstruction post-catastrophe. Le premier portait sur les conséquences d’une crue de la Seine sur le réseau d’assainissement d’Ile-de-France. Dans le cadre de l’appel à projet de l’ANR suite à la saison cyclonique de 2017, elle part ensuite à Saint-Martin, aux Antilles, frappé par l’ouragan Irma, afin de comprendre les facteurs de vulnérabilité et les capacités d’adaptation de cette société aux cyclones. Annabelle a également eu pour terrain d’étude la Polynésie française : l’objectif était d’étudier la prise en compte des risques naturels et de l’adaptation aux changements climatiques dans les politiques publiques.
Avec l’INRAE, à Aix-en-Provence, elle a ensuite conçu un jeu sérieux à destination des élus et collectivités, SIM-MANA. Il consiste en une maquette 3D d’une ville virtuelle (La Vita), archétype territorial des petites communes littorales du sud de la France. Interactif grâce ses pièces modulables et dotées d’un QR code, il est associé à une simulation numérique pour modéliser les inondations. L’objectif est maintenant de développer une version en boite de jeu accessible au grand public.
Son dernier post-doc portait enfin sur le risque tsunami à Mayotte et la vulnérabilité du territoire, en collaboration avec l’Institut de Physique du Globe de Paris, où elle est aujourd’hui chercheuse associée. A partir de simulations numériques, elle étudie les enjeux humains et leurs activités dans l’objectif à terme d’aller jusqu’à une quantification économique des pertes.
Ce travail est poursuivi dans le cadre du PEPR Irima (science du risque). Annabelle travaille aujourd’hui sur les axes « Outremer » (sur Mayotte) et « Risques & Société ». Pour ce dernier, elle poursuit le travail d’analyse de la reconstruction de St-Martin, à plus long terme cette fois, avec un suivi sur 8 ans pour analyser la trajectoire de relèvement et développer des outils d’aide à la décision pour les acteurs de ce territoire.
Des projets variés et profondément interdisciplinaires dans lesquels elle s’attache à mettre en œuvre la démarche scientifique, rationnelle et rigoureuse.
La passion pour les missions terrain
Annabelle a aussi un goût particulier pour le terrain : à distance d’abord, en réalisant une revue de la littérature existante ; sur place, en nouant des relations de confiance avec les interviewés, et en menant des entretiens parfois très longs – son record est de 5h30 ! Au retour de mission, si elle ressent toujours un « petit blues », elle aime aussi beaucoup se lancer dans l’analyse des données, nourrie d’échanges stimulants et riches avec ses collègues et de points de vue multidisciplinaires. Etre géographe SHS dans un laboratoire de géographie physique « fait complètement sens » pour elle.
De manière générale, elle éprouve un « immense respect et beaucoup de reconnaissance pour toutes les femmes, chercheuses, maitresses de conférences, techniciennes, ingénieures, qui ont percé en science » avant elle, dont la climatologue Valérie Masson-Delmotte, pour la qualité de ses travaux, et « parce qu’elle a su se faire une place sur la scène scientifique et décisionnelle internationale ».