Comment s'écoulent les matériaux granulaires humides

Afin de mieux comprendre l'écoulement des matériaux granulaires humides, présents dans des phénomènes naturels comme dans des procédés industriels, deux chercheurs de l'Institut Jean le Rond d'Alembert et du laboratoire Navier ont mis au point un dispositif expérimental et un modèle rhéologique. Les résultats sont publiés dans le Journal of Rheology.

Pour construire un château de sable, mieux vaut utiliser du sable humide que du sable sec, car le sable mouillé a une plus grande cohésion qu'en l'absence d'eau. Ce comportement particulier d'un matériau granulaire humide, lié à des forces de cohésion induites par des ponts et interfaces liquides entre les grains, se retrouve dans de nombreux phénomènes naturels (coulées de boues, avalanches...), mais aussi dans les procédés industriels qui manipulent des poudres. Pour mieux comprendre ce phénomène encore mal connu, deux chercheurs de l'Institut Jean le Rond d'Alembert (CNRS/Sorbonne Université) et du laboratoire Navier (CNRS/École des Ponts ParisTech/Université Gustave Eiffel) a étudié expérimentalement l'écoulement d'un matériau granulaire humide sur un plan incliné.

L'expérimentation est basée sur un matériau constitué de billes de verre calibrées (250 micromètres de diamètre), et d'une huile de silicone (qui s'évapore moins que l'eau). Le dispositif comprend un plan incliné de 1,6 mètre de long, dont l'inclinaison peut varier. En haut du plan incliné, un silo contient le matériau à tester et s'ouvre plus ou moins pour le laisser s'écouler. Les mesures sont réalisées à l'aide d'une balance en sortie du plan (pour évaluer le débit), d'un laser permettant la mesure de l'épaisseur de la couche de matériau sur le plan, et d'une caméra pour obtenir la vitesse du front d'écoulement.

Publiée dans le Journal of Rheology, l'étude expérimentale a mis en évidence l'existence de régimes d'écoulement continu à vitesse et épaisseur constantes. Ces deux caractéristiques de l'écoulement varient en fonction de la pente du plan, du débit de matériau en entrée, et de la quantité de liquide utilisée. Les résultats de mesures ont été comparés avec ceux donnés par un modèle rhéologique phénoménologique associant des lois de cohésion et de frottement, respectivement connues pour les matériaux cohésifs et pour les matériaux granulaires non cohésifs. L'équipe a montré que son modèle prédit les résultats obtenus expérimentalement, à condition de tenir compte de la formation d'agrégats entre les grains.

Un nouveau défi est donc de parvenir à prédire la taille de ces agrégats formés dans l'écoulement, en fonction des paramètres expérimentaux. Pour progresser dans ce sens, le laboratoire veut lancer des études sur des écoulements non continus ou transitoires, qui permettraient de mieux mesurer la taille des agrégats formés dans un matériau granulaire humide.

Comment s'écoulent les matériaux granulaires humides
Le dispositif expérimental est constitué d'un plan incliné, dont l'angle peut être modifié, et d'un silo en haut du plan, qui stocke le matériau granulaire humide. L'ouverture plus ou moins large du silo permet de contrôler le débit de matériau. Une caméra CCD mesure la vitesse du front d'écoulement. Un dispositif laser donne le profil d'épaisseur de l'écoulement. Le débit de matériau est obtenu grâce à une balance placée en sortie du plan incliné.
© David Hautemayou

Références
Cohesion and aggregates in unsaturated wet granular flows down a rough incline
S. Deboeuf,  A. Fall.
Journal of Rheology, Juin 2023
https://doi.org/10.1122/8.0000631

Contacts

Stéphanie Deboeuf
Chargée de recherche CNRS à l'Institut Jean le Rond d'Alembert (CNRS/Sorbonne Université)
stephanie.deboeuf@cnrs.fr

Communication INSIS
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