Comment la microstructure des os influe sur leur régénération

Résultats scientifiques Ingénierie

Les tissus osseux artificiels doivent bénéficier de la régénération naturelle de l’os. Des scientifiques du B3OA de l’École centrale de Lyon et de l’université de Beihang (Chine) ont découvert que les matériaux poreux et à la microstructure hyperboloïde permettaient aux cellules de mieux ressentir les forces mécaniques qui dictent cette régénération. Publiés dans la revue Computer in Biology and Medecine, ces travaux pourraient aider à étudier les os et à concevoir de meilleurs greffons.

L’ingénierie tissulaire organise les cellules en matériaux biologiques qui peuvent aussi bien servir de greffons que d’organoïdes. Ces derniers sont des échantillons biologiques fabriqués in vitro, qui permettent différents tests et analyses sans passer par l’expérimentation animale. Dans le cas de l’ingénierie tissulaire osseuse, les matériaux doivent respecter la fonction principale du squelette, qui est l’absorption de l’énergie mécanique liée à l’activité physique quotidienne. Une partie de cette énergie, issue de la contrainte de cisaillement, est particulièrement importante car elle signale aux cellules osseuses de régénérer leur os. Sans cette transmission, l’os disparaît et se fragilise. L’ingénierie tissulaire a donc besoin de comprendre quelles propriétés physiques permettent aux cellules de percevoir cette force. Des chercheurs et chercheuses du Laboratoire de biologie, bioingénierie et bioimagerie ostéo-articulaires (B3OA, CNRS/Inserm/Université Paris Cité), de l’École centrale de Lyon et de l’université de Beihang (Chine) ont montré que la porosité du matériau aidait les cellules à ressentir la contrainte de cisaillement, contrairement à sa perméabilité. Ils ont également découvert que, à l’échelle micrométrique, les cellules situées dans des zones hyperboloïdes, dont la forme évoque celle d’un sablier ou d’un diabolo, perçoivent des forces mécaniques davantage propices à la régénération que les cellules des secteurs concaves ou convexes.

Cette étude a été menée sur vingt-neuf allogreffes d’à peine un centimètre, utilisées en pratique clinique courante pour la réparation des défauts osseux. Leur surface, leur structure et leur architecture ont été quantifiées par un microscanner à rayon X. Ces données ont ensuite alimenté des simulations numériques qui ont estimé les contraintes mécaniques en jeu au cœur de ces matériaux à l’échelle micrométrique, qui est celle des pores des os. Il en est ressorti que les cellules à la surface de ces matériaux poreux et situées dans des zones hyperboloïdes ressentaient des contraintes de cisaillement plus favorables à leur régénération que les autres. Ces résultats aideront à la conception de l’architecture de futurs biomatériaux biomimétiques et sont, dans le cadre du projet ANR Smart Bone Organoid, déjà pris en compte pour la fabrication d’organoïdes destinés à l’étude de pathologies telles que l’ostéoporose et la maladie des os de verre.

© Xiong et al.

Légende : (A) photo d’un échantillon osseux (allogreffe) ; (B) exemple de modèle numérique reconstruit à partir des images acquises au microscanner à rayons X ; (C) illustration des surfaces hyperboloïdes, concaves, et convexes. Résultats de la simulation : (D) distribution locale des courbures gaussiennes (hyperboloïde (bleu), concave ou convexe (rouge), (E) distribution locale des contraintes mécaniques (stimulation mécanique faible [bleu], stimulation mécanique élevée [rouge]). 

Références
Porosity and surface curvature effects on the permeability and wall shear stress of trabecular bone: Guidelines for biomimetic scaffolds for bone repair
Zhuang Xiong, Léa Rouquier, Xingrong Huang, Esther Potier, Morad Bensidhoum, Thierry Hoc.

Computers in Biology and Medicine, Volume 177, publié en juillet 2024.
https://doi.org/10.1016/j.compbiomed.2024.108630