Bits quantiques : l’union des photons fait la force !
Des chercheurs et chercheuses ont montré que des codes correcteurs d’erreurs quantiques, absolument nécessaires au fonctionnement des futurs ordinateurs quantiques, sont déjà réalisables en laboratoire en utilisant des propriétés collectives des photons.
De tous les supports susceptibles de transmettre de l’information, la lumière est bien évidemment le plus rapide, et l’utilisation de ses propriétés quantiques peut de surcroît en faire un moyen de communication inconditionnellement sûr. L’encodage de l’information quantique dans la lumière passe par la définition de bits quantiques, ou qubits, ces fameuses briques de base du calcul quantique. Cependant, que ce soit en communication ou en calcul quantique, l’information quantique est extraordinairement fragile, et des erreurs de manipulation, des pertes de photons, ou le couplage entre la lumière et des champs parasites peuvent détruire l’information quantique.
Pour contrer ces effets, les chercheurs et chercheuses en informatique et en physique ont développé des stratégies, comme par exemple les codes correcteurs d’erreurs quantiques. Inspirés de leurs homologues classiques, les codes quantiques se basent sur la redondance, à travers le codage de l’information dans des états quantiques comprenant plusieurs qubits (au lieu d’un seul), et la mesure de leurs propriétés collectives -comme par exemple leur parité. Dans le cadre de l’optique quantique, ces codes reposent sur la production d’états complexes qui donnent des informations sur la dégradation de l’information qu’ils portent, lorsqu’ils sont mesurés astucieusement. La réalisation expérimentale de tels états est cependant difficile, malgré leur importance et leur intérêt.
Dans un travail récent, des chercheurs et chercheuses du CNRS et des Universités Paris-Diderot et Paris-Saclay au Laboratoire Matériaux et Phénomènes Quantiques (MPQ, CNRS / Université Paris Cité) ont montré que des dispositifs non-linéaires qui convertissent un photon d’un faisceau laser en une paire de photons “jumeaux”, intriqués en fréquence, produisent naturellement un état robuste face aux erreurs et qui peut être corrigé lorsqu’il est perturbé. En effet, le dispositif non-linéaire permettant la conversion des photons crée un peigne de fréquence collectif où tous les photons sont intriqués lorsqu’il est placé dans une cavité optique (voir figure). En s’intéressant aux variables collectives de ce système (comme par exemple la moyenne des fréquences des photons), il est possible de voir ce peigne comme un code correcteur d’erreur. Les dispositifs générant des paires des photons avec de telles propriétés - qui sont, à ce jour, les plus grands états photoniques permettant la correction d’erreurs en optique quantique - existent dans différents laboratoires.
Ces résultats ouvrent des perspectives de développement d’outils expérimentaux permettant la manipulation de ces états à plus large échelle et leur utilisation dans des applications telles que les communications quantiques. Ils sont publiés dans les Physical Review Letters.
Figure : L’information quantique est encodée dans des variables collectives des photons (comme la moyenne des fréquences des photons) sous la forme d’un peigne de fréquence (ici, la variable Ω1). Les autres variables collectives (regroupées dans la variable Ω⊥) ne portent pas d’information et ne sont pas mesurées. Ainsi, les effets du déplacement (bruit) d’un photon a un moindre effet sur le peigne, le rendant plus robuste aux perturbations. Cet effet est d’autant plus petit que le nombre de photons du peigne n est grand, puisqu’il dépend de l’inverse de cette quantité
Références
Gottesman-Kitaev-Preskill encoding in continuous modal variables of single photons, Éloi Descamps, Arne Keller et Pérola Milman, Physical Review Letters, publié le 26 avril 2024.
Doi : 10.1103/PhysRevLett.132.170601
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